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    La petite histoire d'une grande mémoire, par BrindeCiel

    Féminin
    Herbe
    Herbe

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    Message par Herbe Mer 10 Sep - 14:25

    Minibrin a écrit:La petite Brin arriva près de la cheminée, s'assit sur le tabouret renforcé par un coussin en peau de pandikaze et sortit un énorme livre de sa besace.

    " Je vais vous conter l'histoire d'une petite fille, de son âme et de son miroir; une petite histoire d'une autre Histoire"

    Brin ouvrit la première page de son livre et se contenta de conter



    Prémices d'un nouveau monde.

    Hinquo-Nue, vaste territoire, au-delà des mers et océans bordant Amakna.




    Le 23 Maisial, An 617.
    Dans une des bourgades d'Hinquo-Nue, similaire à Astrub, Dame Elègue, selon les désirs de son père, épousa un noble jeune homme : Messire de Ranthia. Contrairement aux idées reçues, Dame Elègue et Sire Ranthia ne souffrirent pas de ce mariage quelque peu arrangé. En effet, les époux prirent le temps, après leur union, de se découvrir. Crapidon avait fini par les avoir. Était-ce, ce qu'on appelle communément, le destin ? L'association formait Elegranthia, l'élégance.
    La dote s'élevait à l'équivalent d'une cité et quelques soixante millions de kamas. Le couple pouvait donc couler des jours heureux sans se soucier du reste. Monsieur avait apporté quelques hectares ainsi que sa fortune personnelle dont plus personne ne connaissait la contenance.


    Le 5 Juinssidor, An 619.

    Après deux tendres années de mariage, le couple, bien qu'encore jeune, désira un enfant. Dame Elègue fit part de son instinct maternel à son seigneur et maître. Cela l'amusait-il ou était-il vraiment désireux d'avoir un enfant ? Ils allèrent se recueillir auprès de leurs dieux respectifs, leur partager leur souhait : Xelor pour le père et, à fortiori, Eniripsa pour la mère.
    Trois mois plus tard, au courant du mois de Septange, Dame Elègue sut avec certitude qu'elle attendait un enfant.
    Un après-midi où le temps semblait encore ensoleillé, Dame Elègue convia son conjoint sous le kiosque de leur parc. Un immense parc où la faune et la flore étaient abondantes.
    «  Mon cher ami » lui dit-elle. « J'ai une heureuse nouvelle à vous rapporter... »
    Le duc posa sa main sur celle de son épouse, satisfait.
    « J'aimerais que nous ayons un fils. Donnez-moi un fils, ô chère duchesse. »
    « Nous verrons, mon ami, le temps seul décidera. Il faut savoir apprécier ce que la vie nous offre. Une petite fille me conviendrait autant qu'un petit garçon. » S'enquit-elle.
    Son époux déposa un baiser sur son front, puis ils restèrent là. Seuls, à deux, sous les sirupeux rayons de fin du jour, ravis de cette perspective.


    Le 15 Aperirel, An 620.
    La veille, après le déjeuner, Dame Elègue commença à sentir quelques spasmes de douleur. Tout le manoir s'agitait. On avait placé la duchesse sur un petit lit à baldaquin, puis couverte et recouverte de couvertures afin que tout lui soit le plus agréable possible. Le duc fit appeler les trois meilleurs médecins du village, qui se précipitèrent auprès de la jeune femme.
    Après une nuit tourmentée, c'est au petit jour que l'enfant vint au monde, aux alentours des 10h18. Ce n'était pas un fils. Malgré le désenchantement de la nouvelle, le duc fut submergé par ce nouveau sentiment. Il était père, père d'une adorable jeune fille. Il se surprit pourtant à jeter un regard de dégoût sur le corps encore couvert des encombres de la naissance.
    «  Ma mie, vous avez été admirable. Je remercie Xelor de vous avoir mis dans ma vie. »
    Il lui teint la main lorsqu'il fallut la recoudre. Elle n'était pas morte; il en était soulagé. Il la laissa se reposer après ces durs efforts.


    Le 26 Aperirel, an 620.
    Après avoir pomponné l'enfant, fidèle à cette vieille tradition, le duc s'avança sur le mirador
    puis présenta sa fille à sa paroisse. La levant en l'air comme signe de reconnaissance aux yeux de son duché. Il était vraiment père.
    «  Je vous présente ma fille. Destiné, Destiné Elegranthia. » s'enthousiasma l'homme.
    On organisa un banquet le midi. Une soupe d'ailerons de requins suivie d'un poisson-chaton cuit à la vapeur accompagné de champignons Luidegûits frits, un carpaccio de dragodindes sauvages servi avec un filet de gelée fraise, un rôti de sanglier des plaines fraichement chassé sur un lit de pommes de terre mi-brakmariennes, mi-bontariennes et pour finir, une pièce-montée composée de gelée à la myrtille, de cerises griottes et d'une pointe de citron. La cité était en fête. Tous dansaient, riaient.
    En fin d'après-midi, on offrit les présents à la jeune demoiselle : elle reçut des petits chaussons en laine de bouftous royaux, de jolis effets... Un élan généreux qui avait poussé la population à faire don de leurs précieux biens tels que quelques amulettes ou anneaux.
    Les xelors de la famille se réunirent autour du chérubin et chacun lui prédit qu'elle serait belle, intelligente, malgré sa petite taille, elle saurait manier le beau langage, aurait un cœur d'or... Cependant, il y avait bien des choses qu'on ne pouvait totalement prévoir. C'était une question de fatalité.


    Le 14 Jouiller, An 624.
    Quatre années avaient passé paisiblement dans la commune d'Asthanaïs. Néanmoins, il fallait penser à l'éducation de l'enfant. Le duc et la duchesse émirent le souhait de trouver un bon pédagogue pour leur unique enfant. On planta donc des épigraphes sur tous les murs de la ville annonçant la recherche urgente d'un pédagogue pour la jeune Destiné. On ne trouva personne à la hauteur des espérances portées par le noble couple. La situation devenait cependant pressante.
    Un mois plus tard, en Fraouctor, se présenta un jeune homme. Peut-être avait-il 20 ans; il était aimable et bien éduqué. Un gendre qui aurait été parfait, pensa le duc, si seulement Destiné était plus âgée. Quoi qu'il en soit, ce jeune homme convint sans peine aux parents de la petite.
    Il se nommait Brumedell, dandy à ses heures. Toujours vêtu d'élégants costumes faits sur mesure chez les plus grands tailleurs du monde. De ce qu'on en sait, messire Brumedell était originaire d'une famille bourgeoise de cras d'Amakna.
    C'est ainsi que Destiné commença à s'éloigner de ses parents afin de suivre une éducation spécifique. Ils se sentirent délaissés, mais il le fallait. Elle leur reviendrait tôt ou tard, plus belle, plus intelligente, plus douce et bien élevée.

    Le 7 Flovor, An 625.
    Destiné avait appris à lire en quelques mois. Elle se révélait être comme une enfant curieuse, avide de connaissances. On le lui avait prédit, elle serait perspicace, subtile et éclairée. Sa beauté n'était encore qu'en éveil, mais à son âge, elle avait un visage déjà plaisant. Innocent.
    Le cra s'était occupé avec soin de son apprentissage : « Elle sera à l'égal de tout homme. Sage. »
    Était-ce par souci de fierté, il tint à cœur la mission de la rendre appréciable et digne d'une dandy. Ce monde, totalement masculin, devrait accepter l'exception. Elle serait une sorte de prophète. La femme finira par ne plus se résoudre à rester ignorante. Il présageait déjà cette remarquable évolution. Elle serait l'une des premières. Il le voulait. C'est l'origine de son surnom, surnom attribué par ce cher pédagogue. Dandyciste, c'est cela. Ce surnom était fait pour elle. Elle serait l'emblème féminin de l'élégance, de la finesse et de l'originalité. Il ferait absolument tout pour qu'elle le devienne. Lui qui, peut-être à travers un élan d'amour pour cette enfant, fut charmé par l'idée qu'il aurait fait une œuvre d'art... Son œuvre d'art. Cette fillette de 5 ans était pour lui le support à sa folie artistique, toutefois, il restait un homme soucieux et un excellent pédagogue.


    Le 15 Aperirel, An 628.
    L'enfant nourrissait un profond amour de la littérature. Elle passait son temps à lire et à relire Beau de l'Air; ses mots l'enchantaient... « Mais qu'importe l'éternité de la damnation à qui a trouvé dans une seconde l'infini de la jouissance ! » ou encore « Tout homme bien portant peut se passer de manger pendant deux jours, de poésie, jamais. » répétait-elle sans cesse. Elle en avait fait son crédo. L'art était, comme pour son pédagogue, sa raison de vivre...
    Dame Elègue avait organisé une réception pour Destiné. Du haut de son balconnet, la demoiselle donnait déjà des ordres aux jardiniers. « Non, les Edelweiss poussent dans des endroits plus humides. Et les roses démoniaques ! Dans un vase ! Plus à droite ! Non à gauche ! Je n'en veux plus. Placez des orchidées freyesques autours du kiosque... ». Son précepteur souriait tendrement au regard de la scène. Si jeune et déjà si péremptoire. Les préparatifs prirent fin en début d'après-midi.
    Sur les coups de 15 heures, la foule commença à arriver. On avait ouvert les portes du manoir.
    Dame Elègue se trouvait auprès de sa fille, lui présentant la magnifique robe qu'elle porterait pour la soirée, ainsi que sa cape et le chapeau. Tout le monde le savait, Destiné était une fille coquette. Quelques 150 âmes s'amassèrent dans les jardins et les salons de la demeure. Il ne manquait plus qu'à attacher une fleur de Kalyptus à son poignet, et elle serait prête à descendre. Dame Elègue était auprès des invités. Brumedell vint la chercher; il frappe trois coups discrets et francs à sa porte, comme à son habitude. Elle lui ouvrit, toute joyeuse, puis lui fit un sourire.
    Il la gifla d'un geste précis avant de replacer son chapeau. Elle resta placide, sans bien comprendre pourquoi un tel geste lui était adressé, puis quelques larmes perlèrent avant de s'écouler. Il avait glissé un baiser sur son front avant de replacer parfaitement son propre chapeau. « Il était de travers chère demoiselle. Vous n'avez point le droit à l'erreur. Ne souriez pas ou simplement légèrement. Montrer de l'égard pour autrui vous conduira à votre perte. » la gronda t-il, avenant. Il reprit «  Mon enfant, souvenez-vous qu'il faut cueillir le jour comme il vient ,Carpe Diem, mais en n'oubliant jamais que nous mourons tous un jour, memento mori. »
    Puis il descendit l'escalier en colimaçon suivi de Destiné, le visage impassible. Elle retint la leçon.
    Brumedell savait comme cela était douloureux, dévoiler ses sentiments comme de les cacher. Cependant, en les cachant, les gens gardaient au moins leur orgueil.


    Le 11 Martolo, An 630.
    Les années passèrent, toujours aussi paisibles et enchantées. Cependant, on se demanda si ses oncles xelors ne s'étaient pas trompés : Dandyciste. On lui avait prédit beauté, mais elle entrait dans cet âge ingrat... Ses traits paraissaient plus disgracieux, son corps en pleine transformation. Elle n'était pas laide, mais l'harmonie des précédentes années semblaient avoir disparu. Son caractère, lui, était resté le même : autoritaire, perfectionniste et prétentieux. Brumedell l'avait regardé grandir. Il devenait fou. Où étaient passés ces traits si fins ? Cependant, ce dandy cra s'était attaché à cette petite; il se l'était promis, elle serait digne des plus grandes femmes de la haute société. C'est pourquoi il continua à être austère.
    Dandyciste vouait une passion déchirante pour son pédagogue qu'elle vénérait. Il le lui avait toujours dit, « L'amour, pour être parfait, quatre S doit porter : Sage, seul, serviable et secret. »
    Elle avait suivi cette phrase à la lettre. Elle resterait sage, seul, serviable et discrète. Elle l'imaginait art. Elle l'imaginait prodige. Mais il restait insensible. Lui n'aimait que l'art, seul véhicule entre la beauté de l'être, et la magnificence du paraître. Malgré cela, elle serait une de ses œuvres. Inconsciente. Il lui avait dit, ce jour-là, qu'il devrait partir dans quelques années, et que malheureusement, elle n'aurait bientôt plus besoin de lui. Cette phrase l'avait profondément blessée.
    Stoïque, elle lui attrapa la main et l'emmena au bord de leur étang. Il continua à lui apprendre la bonne façon de marcher, la bonne façon de se tenir, comment cueillir une fleur élégamment. Elle devait vivre comme si chacun de ses gestes était le dernier, dans l'élégance, le raffinement. Elle devait vivre devant un miroir et se plaire sans cesse, sans quoi elle perdrait sa raison de vivre. Car elle vivait pour elle.


    Le 31 Novambaire, An 633.
    Destiné grandissait, le duc était à la fois heureux et malheureux. Le temps passait rapidement... Son enfant allait bientôt les quitter. La jeune demoiselle avait en projet de visiter le monde. Quitter Hinquo-Nue la faisait rêver, bien qu'elle se sentait très bien chez ses parents. Durant leurs discussions, Destiné et Brumedell avaient longuement discuté de l'île de Nowel. Métaphoriquement, c'était le monde aux mille reflets, le monde idéal pour deux égocentriques. Elle fit par de son projet au duc, qui ne pouvait rien lui refuser. Il lui promit ce voyage après ses 18 ans puis lui glissa affectueusement un baiser sur le front. Lui voulait un fils, il n'en avait jamais eu, mais finalement, il s'y était fait. Il chérissait sa fille comme la femme de sa vie. Elle était sa princesse.
    Sire Ranthia avait bien essayé d'avoir un autre enfant, mais les dieux s'y étaient opposés, alors il avait absolument affectionné son enfant. Il lui donnait quarante mille kamas chaque mois, qu'elle économisait simplement pour son excursion. Bien entendu, tous les effets personnels et tout ce qui concernait la vie commune de la famille continuaient à être pris en charge par la famille. Brumedell avait été ravi d'apprendre l'accord du duc.
    Puis, toute enjouée, Destinée était repartie étudier auprès de son cher pédagogue, en rêvassant.
    Il reprit l'apprentissage de l'étiquette, toutes les règles de galanteries.
    « Un homme passe obligatoirement devant une demoiselle dans l'escalier. Savez-vous pourquoi ? »lui avait-il demandé. Elle ne savait pas, non. Alors il lui avait expliqué que les femmes portant des jupes de manière générale, ainsi que des robes; les hommes devaient passer devant pour ne pas perdre leurs yeux, ni leur esprit sous les élégantes tenues des femmes...


    Le 14 Flovor, An 636.
    « C'est aujourd'hui que je vous quitte, chère Destiné. Je vous avais prédit mon départ il y a quelques années et le jour est arrivé. Je pars pour l'île de Nowel. » lui avait-il adressé, ce beau matin de Flovor. Elle était restée désemparée. Déjà ? Pourquoi partait-il ? Quelqu'un l'attendait-il quelque part ? Les questions s'insinuèrent dans son esprit.
    « Qu... Quand devrez-vous partir messire Brumedell ? » avait-elle lâché, tristement.
    Ce fut peut-être la seule fois où Brumedell esquissa une humeur différente de toutes les autres. Il avait passé onze ans chez les Elegranthia, et jamais on ne l'avait vu ni triste, ni heureux, juste distingué. Et voilà qu'il s'en allait... Si rapidement.
    Dandyciste s'était laissée aller à cette bagatelle, mais elle ne pouvait s'empêcher d'éprouver de l'affection pour l'homme qui avait partagé sa vie durant toutes ces années.
    Il lui avait répondu qu'il partirait après le souper. Le duc et son épouse commandèrent des mets délicats afin d'honorer son départ.
    Au milieu de l'après-midi, Destiné s'était rendue dans la chambre de Brumedell. Elle n'y avait été que 3 fois en tout et pour tout. Un décor sobre, original et raffiné; un grand lit à baldaquin, en bois, accompagné de tentures couleur grenat, qui s'harmonisait avec les rideaux de la même couleur.
    Un grand secrétaire rempli de lettres et de plumes, sculpté dans un ébène parfait. Quelques énormes coffres posés sur le sol, ainsi qu'une grande psyché. Des chapeaux éparpillés sur les coffres, ainsi que des capes plus ravissantes les unes que les autres... Tout cela allait disparaître, et l'homme qu'elle aimait secrètement aussi.
    Elle le regardait, ingénue, replier toutes ces années de souvenirs sans pouvoir s'opposer. C'était une sorte de rupture inavouée, inavouable. Elle posa sa main, frêle, sur l'une des capes du jeune homme, et évasive, elle avait laissé un soupir mélancolique s'échapper. Il l'avait vue cette peine, et cela lui pinçait le cœur, bien plus qu'il n'aurait voulu le montrer.
    Que devait-elle faire ? Il lui avait dit de profiter de la vie, mais raisonnablement. Et si, pour une fois, une seule et unique fois, elle dérogeait à cette règle ? Son esprit luttait contre ses sentiments... Elle l'observa à la dérobée. Il était pressé. Elle pensa qu'il voulait s'éloigner d'elle; partir au plus vite. Devant cet affligeant spectacle, elle ne réfléchit plus... Elle s'avança, machinalement, battant de ses petites ailes vertes, elle s'éleva, puis posa délicatement ses lèvres pleines de passion sur son ainé de 16 ans. Où cela pouvait-il conduire... ? Elle n'y put rien, elle ne voulait pas regretter cet instant. Qu'importe ce qu'il pouvait arriver après. Il partait. Elle ne le reverrait plus avant un long moment. Le cra, érudit, n'avait bien entendu connu que peu de femmes, et durant ces 11 dernières années, deux femmes s'étaient tenues à son bras. Une charmante osamodas et une pandalette. Mais jamais il n'était resté très longtemps à leur côté, deux ou trois mois, tout au plus. La complicité des deux protagonistes s'était accrue avec le temps. Ses traits devenaient plus doux, l'inquiétude d'antan du précepteur avait fait place à une fierté peu commune. Son œuvre d'art était donc presque terminée. Lui, se sentait à la fois admiratif, à la fois maître et à la fois serein avec elle. Destiné lui apportait la jeunesse qu'il perdait de jour en jour, elle était sa muse comme son œuvre. Indomptable.
    Brumedell recula un petit moment, interdit. Dandyciste se posa sur le coffre, fautive, le regard trainant sur le sol. « Je suis désolée, messire Brumedell... Sincèrement navrée. » exprima t-elle. Et lui, les yeux oscillant entre la petite enirpsa et ses valises, s'arrêta soudainement sur le visage pâle de la jeune fille. Il vérifia que la porte fut bien fermée. Posément, il s'installa sur son lit.
    « Destiné, vous êtes une ravissante jeune fille... Cependant, vous savez bien que cela est impossible. Inimaginable... » lui expliqua t-il, détendu.
    « Savez-vous, je me fais vieux. Je vous ai vu grandir, et vous êtes devenue telle qu'on l'avait prédit : une jeune demoiselle intéressante, ravissante, pertinente, curieuse, et distinguée. »
    L'innocente enfant vint se poser sur le bord du lit. « Je... Je ne sais pas quoi vous dire, je suis vraiment confuse. Je ne sais pas ce qui m'a pris... ! » dit-elle, puis elle se reprit, « En réalité, Sire Brumedell, je... J'ai attendu longtemps cet instant. ». Elle releva la tête, avec fierté, pour plonger ses yeux émeraudes dans ceux de son interlocuteur. Son front relevé affichait clairement son caractère déterminé et audacieux. L'élégant cra détaillait la physionomie de la jeune fille. Elle était jolie. Il y avait bien plus belle, cependant, elle possédait une rare qualité : l'éclat. « Messire Brumedell, je vous prie... J'ai tant rêvé cet instant. Mais vous m'avez toujours obligé à les effacer. Or, je vous perds. Et c'est mon dernier signe de détresse. » puis elle vint s'étendre délicatement sur les draps.
    Ils n'étaient que tous les deux dans cette grande chambre. Il la rejoignit, sans dire un mot, posant sa tête tout près de la sienne.
    Après un long moment de silence, Dandyciste s'appuya sur son épaule gauche, puis passa affectueusement sa main droite dans la chevelure. Brumedell se tourna sur le côté, face à la jeune eniripsa.
    « Je ne veux pas vous faire de mal. Vous savez, Destiné, je vous vois comme... Comme une sculpture, comme l'équilibre entre l'éloquence, la froideur et le sublime. Vous êtes la notion d'empirisme dans l'Art. La note sensuelle qui éveille chez le barde la mort de l'âme et la survie de la mélodie et des paroles. Vous êtes telle une déesse que l'on n'ose plus regarder, par peur d'être ébloui. Vous êtes belle et élégante. Vous trouverez certainement quelqu'un de bien. »
    Elle retint ses larmes, une énième fois, devant cette remarque si difficile à accepter, puis n'osant plus rien dire, elle se hissa au-dessus du jeune homme et l'embrassa à nouveau en lui soufflant, qu'elle ne regretterait pas. Jamais. En lui rendant un baiser, il la fit basculer sur le dos, avant de s'incliner sur la jeune fille, toujours très délicatement. Il lui baisa le front, le nez, la joue, les lèvres... le cou... Un coup de folie, pensa t-il, une seconde avant de s'abandonner lui-même. Elle frémissait sous ses lèvres, ses baisers doux et langoureux. Il passa sa main, délectablement, sur sa peau légèrement cuivrée. Elle l'observait émerveillée, puis, de ses mains hésitantes déboutonna la chemise en soie du jeune cra. Il n'était pas épais, au contraire, il était svelte, élancé et malgré tout, assez musclé. C'était un homme qui prenait soin de lui, c'était évident.
    Habilement, il défit l'agrafe de la robe en mousseline, fluide. Elle était pure et nouvelle. Une fraîcheur tant convoitée. Mais, pour le moment, elle s'offrait à lui, et à nul autre. Destiné s'attarda sur sa douce peau, laiteuse. Elle s'offrait, corps et âme, à son mentor. De longues années étaient passées mais son amour demeura loyal. Il continua de l'embrasser, tendrement. Elle se cambra, naturellement, sous l'effet incandescent de ses caresses. Ils s'abandonnèrent l'un à l'autre. Il était son premier, et son dernier, espérait-elle. Ils se réveillèrent tous les deux, quelques heures plus tard.
    Le clocher sonnait 18 heure. Destiné se rhabilla rapidement. Brumedell en fit de même. Puis elle lui vola un dernier baiser avant de le laisser seul dans la chambre. Elle espérait, naturellement, qu'il resterait mais il n'en fut rien, il devait partir. Brumedell était mélancolique et triste. Peut-être avait-il bel et bien développé des sentiments semblables à l'amour pour cette jeune fille. Ils durent aller souper.
    Après le diner, le dandy s'en alla, après avoir remercié ses hôtes et donné un petit ruban rouge à la jeune fille; « Il vous portera chance, et ainsi, vous vous souviendrez de moi. » lui avait-il dit. Mais ce n'était qu'un artifice. Bien entendu, il savait pertinemment qu'elle ne l'oublierait jamais. Elle se jura de le revoir un jour, d'autant plus que son périple tant voulu, arriverait dans quelques années. Elle l'avait regardé partir, seul, dans un carrosse tiré par trois dragodindes. Il filait dans la nuit, comme une étoile filante. Elle pria pour qu'il ne lui arrive rien. Après cela, elle reprit son air de suffisance, et ne laissa plus rien paraître. Du moins, jusqu'à ce qu'elle ait regagné sa chambre... L'amour de sa vie l'avait abandonné. Pourtant, elle n'arrivait pas à y renoncer, il ferait parti de sa vie, c'était écrit.


    Le 9 Martolo, An 639.
    Elle avait passé plus de trois années à attendre ce voyage. Elle le rejoindrait. Cela lui brisa le cœur, quitter ses parents, que malgré tout, elle adorait. Le duc avait finalement accordé une grosse somme à sa fille, qui s'élevait à quelques millions de kamas. Dame Elègue lui avait offert de précieux anneaux, amulettes, et une élégante garde-robe. Elle ne manquerait de rien, elle n'avait pas le droit de manquer de quoi que ce soit. Dame Elègue et quelque unes des domestiques se rendirent dans l'immense chambre de la jeune femme. Il fallait préparer les malles, les nombreuses malles censées contenir les effets personnels de Destiné. Elle avait muri, était devenu une vraie demoiselle distinguée et agréable. « Maman, vous avez placé trop de choses dans cette malle ! » s'était-elle exclamé lorsque que sa mère voulut rajouter un tas de choses inutiles, dont elle n'aurait sans doute jamais besoin lors de son voyage. Mais Dame Elègue avant tellement peur que sa fille chérie manque ne serait-ce que d'une petite chose. Elle avait pris deux malles en plus juste pour rajouter 45 jambons séchés, 80 pots de chaque gelée existante, une trentaine de sachets d'Edelweiss séchées, de pétales de roses démoniaques séchés, des mètres de dentelles et de rubans...
    Elle avait beau rétorquer qu'elle n'avait point besoin de tout cela, Dame Elègue craignait les imprévus. Elle avait commandé une trentaine de capes bien chaudes pour les températures très fraîches dont jouissait la réputation de l'île.
    Aux alentours de 11 heure, tout était prêt : les malles placées à l'arrière du carrosse et toute la petite famille à l'intérieur. Le temps était encore un peu frais. Placée sur l'un des nombreux coussins que contenait le coche, ses pensées s'évadèrent. Elle observa les paysages renaissants qu'elle quittait.
    Il fallait bien 3 heure pour rejoindre la cote.
    Arrivés sur le port d'Asthanaïs, l'ambiance était morose, elle devait partir pendant 6 mois. Elle n'avait jamais quitté la propriété familiale, n'avait jamais été séparée de ses parents.
    Les bagages furent placés dans un galion spécialement conçu pour le voyage. Magnifique caravelle en bois d'ifs et de chênes, avec un grande voile pourpre.
    L'heure de la séparation avait sonné. Destiné embrassa ses parents; derniers élans de tendresse avant un long moment. Il fallait compter un minimum de soixante-dix-huit jours de bateau jusqu'au port de l'île de Nowel.
    Le compartiment qui lui fut imputé était quelque peu rustique. Heureusement, Dame Elègue avait tout prévu pour le confort de son enfant. Destiné sortit son trousseau de clé pour ouvrir les nombreux coffres qui encombraient sa chambre. Elle découvrit de luxueux tapis monochromes, quelques huiles à bruler ainsi que de nombreux tableaux et livres. La jeune fille rangea donc ses affaires dans les armoires de sa cabine, ses innombrables livres dans la seule bibliothèque de la pièce. Elle passa un rideau couleur printemps, tendre et soyeux, qu'elle avait attaché avec le fameux ruban rouge, à la petite lucarne. Il serait là, éternellement, dans cette pièce pure et inaltérée. L'intérieur était bien plus agréable ainsi.


    Le 29 Aperirel, An 639.
    Endormie dans son immense cabine, Destiné fut soudainement réveillée par les cris de son équipage. Elle se leva d'un bon, enfila une cape blanche puis sortit sur le pont pour voir ce qu'il se passait, le pourquoi de toute cette agitation. L'équipage, agité, s'empressait de réunir les moyens d'une frêle protection. Un vaisseau pirate filait à toute vitesse sur eux. Grand mât, sans doute peu entretenu, d'après son allure générale. Une longue et opaque voile sombre s'étendait au-dessus du navire. Les hommes se mirent autour des rares canons pour tenter tant bien que mal de se défendre. Cependant, la défense velléitaire ne fit pas long feu. Ils s'approchaient, militairement. On vit les pirates débarquer sur le bateau. Une vingtaine de pirates à la peau basanée, aux carences de mets diversifiés. Leurs dents étaient rongées par l'acidité des citrons, nécessaires pour lutter contre le scorbut. Ils devaient être membre de cet équipage depuis de longues années, expérimentés.
    Dandyciste, fidèle à son art de vivre resta digne, puis avança la tête haute vers le capitaine des pirates. C'était un sram assez fin, âgé, vêtu de guenilles et d'une coiffe noire où était dessiné une vulgaire tête de mort. Il était pitoyablement laid. Son haleine putride aurait pu faire fuir tous les habitants d'Astrub. Son équipage se réunit derrière lui.
    « Donnez-moi tout ce que vous avez, ou vous subirez le supplice de la planche ! » lui cria t-il.
    Peu attachée à ses effets personnels, aussi futiles qu'inutiles, elle leur remit une petite pochette qui contenait quelques dizaines d'amulettes et d'anneaux, puis elle leur remit un trousseau de clés. Peu importe ce qu'il y avait dedans, pas grand chose finalement. Cependant, ils n'étaient pas satisfaits...
    « Où sont les kamas ? Donnez-les nous ! » lui ordonna t-il, laconiquement. Elle leur remit tous ses biens, sans chercher l'affrontement. Pourquoi épiloguer contre des pirates ? Ils n'en valaient même pas la peine. Leur physionomie montrait bien qu'ils ne prenaient pas soin d'eux, sans doute par manque de moyen. Mais ils n'étaient pas du même monde, ni du même bateau.
    Satisfaits de leurs captures, s'étant montrés coopératifs, les pirates abandonnèrent l'équipage de la jeune fille dans une petite barque, elle, dans une autre, non loin d'une petite île. Le capitaine aurait, sans doute, voulu profiter de la jeune fille, mais aveuglé par le précieux butin, il n'y songea même pas. Il devait surveiller son trésor. Il ne faisait pas totalement confiance à ses hommes... C'était son eldorado. Celle-ci dériva 2 jours avant de s'échouer sur les plages ensablées de Moon... Seule.


    Brindeciel referma le livre puis se blottit dans son plaid bien douillet devant le feu, dont les braises commençaient à faiblir.


    [HRP] C'était l'histoire d'un personnage que je devais créer, il y a maintenant 5 ou 6 ans, et qui finalement n'a jamais vraiment vu le jour. J'espère toutefois que vous prendrez plaisir à lire ce pavé, comme j'ai eu plaisir à l'écrire. [/HRP]

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