Zukka a écrit:L'alchimie, qui peut communément passer pour de la magie, est un art, et cela tous les initiés que l'on a la chance de croiser le diront, qui peut s’avérer très dangereux …

... Un peu de poussière sur divers objets en verre. Des rangées d’étagères remplies de nombreux volumes de différentes tailles. Des fins, des gros. Leurs reliures sont un peu craquelées pour certaines, parfois habilement décorées pour d’autres. Un grand parchemin aux dessins incompréhensibles accroché à un mur. Une pile de livres. Un alambic, labyrinthe de transparent de toutes les couleurs, dans un coin de la pièce. D’autres piles de livres. Une grande table en bois de chêne. Elle est éclairée par les traits de lumière qui parviennent à passer à travers la fenêtre. D’autres livres s’y trouvent, ceux-ci grands ouverts. Entre eux, plusieurs flacons, aux formes et au contenus variés. Certains laissent apparaitre des yeux globuleux flottant au milieu d’étranges plantes. D’autres laissent échapper quelques volutes ...

*Bim ! Bam ! Boom ! Pouf !*

Un petit nuage de poussière s’élève lentement du sol de ce laboratoire. Une des nombreuses piles de livres vient de s’écrouler.

« *Toussotement*, *toussotement* »

Le petit nuage s’éclaircit. Un bwak grisonnant s’écarte d’un bond du tas de livre.
« Je t’ai déjà dit de pas faire la sieste sur ces livres, Feud’aile. » dit d’un ton taquin une tête surmontée de cheveux ébouriffés, apparue au coin d’une étagère.
« *Kriiiiik !* » Fit le Bwak, l’air mécontent. Il s’ébroue, faisant voler la poussière et reprend sa couleur orangée d’origine.
Le petit être aux cheveux ébouriffés, dont les ailes violettes ce sont mises doucement à chasser la poussière maintenant dans l’atmosphère, se dirige vers la table, lisant un livre d'une main et remuant une éprouvette de l’autre. Il pose son livre et sans le lâcher des yeux, prend une pincée de graines dans un bol et la libère dans l’éprouvette tout en continuant de la remuer. Le liquide change doucement de couleur.
Une ombre surgit de nulle part bondit sur le bwak, qui a juste le temps d’esquiver.

*Boum*

L’étagère vibre, sous le choc de l’ombre, faisant bouger les livres les plus hauts. Une dragoune rose se releve un peu sonnée.
« Nounette ! Si tu veux jouer, va voir Tokette le tofu maléfique d’Azaroth ou une des poupées d’Iflanna. J’ai besoin de calme pour finir ces potions de Sang de Phoenix que m’a demandé CoyoteHurlant pour la prochaine expédition de la guilde. » Dit l’eniripsa, en continuant de lire les lignes de son livre, l’éprouvette faisant toujours de petits cercles.
« Et fait attention à ne pas briser le charme qui rend la porte invisible, je ne veux pas que quelqu’un trouve cet endroit. » Continue le petit être. Feud’aile, installé sur un autre pile de livres, regarde la dragoune s’avancer titubant vers la sortie, se frottant la tête.
« Hum … Cette recette est étrange, elle n’est pas répertoriée. Il faudra que je l’essaie un de ces jours. » Fit l’alchimiste en réfléchissant à voix haute. Il dépose l'éprouvette sur un support et relève les yeux de son livre. Quelque chose a attiré son attention derrière la fenêtre. Celle-ci se brise aussitôt, une flèche se fichant dans le montant d’une étagère. Une voix forte se fit entendre venant de l'extérieur.

« PREND ÇA BONTARIEN ! C’EN EST FINI DE TOI ! ! »

L’étagère tremblait encore, lorsque l’eniripsa réalisa que la flèche est en fait une flèche de glace. Il n’a que quelques secondes pour confiner le sort avant qu’il ne se déclenche avec un mot drainant. Il commence à lever les mains. Un autre scintillement l’alerte, du coin de l’œil, il distingue des potions qui roulent sur le sol. Il les reconnait immédiatement, une potion tempête et une potion tsunami en font partie. De plus des livres en équilibre précaires s'apprêtent à tomber dessus à cause de la flèche.
Le calcul est instantané dans la tête de l’alchimiste. Il est déjà en train de faire un grand bond en arrière lorsque cette pensée lui traverse l’esprit : d’un instant à l’autre, il va se produire une catastrophe et il n’a quelques secondes pour partir le plus loin possible.
L’eniripsa est déjà en train de bondir vers la sortie, la flèche vibre, de la vapeur s’en échappe, les livres chutent vers les potions. Il attrape au vol Feud’aile qui a senti le danger, atterrit derrière Nounette qui court vers la sortie, l’attrape aussi et s’élance dans un autre bond qui les amènera devant la porte. Les livres écrasent les potions, la flèche libère son sort de glace, l’étagère est déjà à moitié gelée, de grands cristaux envahissent la salle, les deux potions élémentaires se fendillent. L’alchimiste, visage crispé, pousse sur ses ailes de toutes ses forces, les deux animaux blottis sur son torse ont fermé les yeux.
La potion tempête explose la première et libère de puissantes rafales de vent. Suivie de près par la potion tsunami d’où s’échappe une immense quantité d’eau, que le vent transforme en un énorme mur liquide. L’eniripsa l’a senti, il ferme les yeux comme résigné. La masse d’air et d’eau est déjà presque sur lui quand elle entre en contact avec les cristaux de glace qui continuaient de se répandre. La sortie est proche. Le petit être est maintenant certains qu’ils ne pourront pas s’échapper. Les secondes défilent comme des heures. Il replie ses ailes en protection, sert ses familiers contre lui, et prononce des mots dans une langue connue seulement des Eniripsas. Il se met à briller quand …

*FLASH !!*

Une explosion éblouissante se produit, transformant la maison en un énorme cristal glacé, telle une fontaine géante figée. Une onde de choc sous forme d’une bourrasque humide et froide se propage instantanément à des kilomètres à la ronde, saisissant tout être vivant d’un profond frisson, provocant d’abondantes chutes de neige les heures suivantes.
Dans la cave, le temps semble comme arrêté. Les livres et les étagères sont figés dans leurs chutes. Un xélor n’aurait pas rêvé plus puissant sortilège. L’eniripsa brille légèrement. Il est recroquevillé, suspendu, dans la glace transparente. Il est encore conscient, mais le froid le gagne. Il a réussi à lancer son plus puissant mot de prévention, il sait qu’ils ne pourront pas sortir de cette prison tout seul, mais surtout il sait qu’ils vont y rester très longtemps. L’eniripsa se résout à prendre son mal en patience. Il rassemble donc l’énergie qu’il lui reste et, après avoir vérifié que Feud’aile et Nounette se portaient bien, puis les avoir rassurés, il marmonna de nouveau un mot dans sa langue. Les 3 êtres s’endorment alors paisiblement.

   ... Des images floues ... Des sons incompréhensibles ... Des visages ... Des paroles ... L’eniripsa se rend compte dans son esprit tourmenté qu’il est à demi-conscient, engourdi. Il frissonne et ne peut toujours pas bouger. Les deux animaux dorment. Il n’a pas d’autre choix que de renouveler le mot de prévention puis le mot de silence, et retombe dans un profond sommeil ...



Plusieurs périodes de semi-réveil se succédèrent. Jusqu’au jour où, dans une demi-conscience, l’alchimiste sent un changement dans son environnement : de l’humidité à la place du froid, mais surtout le contact du bois son visage ! La glace avait enfin fondu dans la cave et libéré le petit groupe. Il se redresse difficilement et regarde autour de lui. Tout est humide, il reste encore un gros bloc de glace autour de l’endroit où se trouvait la flèche. Une odeur de moisissure lui arrive au nez, lui rappelant que les livres et le bois ne supporte pas une telle atmosphère.
«*Kriiii !* » Crit Feud’aile en sautant de la fenêtre cassée, suivie de Nounette. Les 2 familiers s’étaient réveillés avant lui. Le petit être se relève en prenant appui sur les marches. Il s’aperçoit qu’il n’était pas loin de la sortie. Il déploie ses ailes, s’étire, quelques articulations craquent, son estomac se met à gronder.
« Eh bien, effectivement ça fait longtemps que je ne me suis rien mis sous la dent … » Dit-il tout haut. « Etrange impression que de réentendre sa propre voix après tant de temps … Mais au fait, combien de temps a passé ? »
« Kriikriiiiii ! » Couine le bwak, Nounette mordillant la jambe de l’eniripsa.
« Vous avez raison, sortons d’ici et trouvons à manger. » Dit-il en montant les quelques marches menant à la sortie. La porte de la cave grince puis tombe lourdement, le charme de camouflage disparaît, les gonds avaient pourris. Une fois sortie de la maison, il observe les alentours. La nature a repris ses droits. Au sommet de la porte d’entrée de la maison en ruine, il aperçoit une armoirie cachée par la mousse. Il la reconnait tout de suite, c’est celle de sa guilde, les Conquerors of Shambala.
« Bon sang ! Ça me revient ! La guilde ! Ils ont dû me chercher partout ! » S’écrit-il. Mais son enthousiasme retombe aussitôt. « Mais il a du se passer beaucoup de temps, ils m’ont sûrement oublié … »
Un cri résonne d’un coup dans sa tête.« CoS un jour, CoS toujours ! » « Mais comment ai-je osé oublier ça !» Pense-t-il.
Il se tourne vers ses deux compagnons. « Venez mes amis, allons retrouver les Conquerors. Peut-être pourront-ils nous aider. »

Le petit groupe se met alors en route, vers le village le plus proche, à quelques jours de marche. Ils prennent d'abord le temps de trouver à manger. En chemin, l’eniripsa entreprit de s’entrainer. Il se rendit rapidement compte qu’il manquait grandement de pratique, et qu’il avait même oublié certains mots de sa langue. Il va devoir tout réapprendre.

Arrivé au village d’Astrub, l’alchimiste se mit en quête de renseignements sur les Conquerors. Mais cela n’a pas été toute de suite fructueux. Par-contre il apprit qu’à quelques jours de marche de là, se trouve un endroit où a régné un froid anormal il y a quelques années, semble-t-il maudit par le Comte Harebourg lui-même avant qu’il ne parte sur un autre continent maintenant appelé Frigost. Peut-être est-ce lui qui a lancé cette flèche …? L’être ailé fit le calcul, ils sont restés près de 1800 jours enfermés dans la glace. La puissance dégagée lors de cet accident le terrifia. Les jours suivants, il passa le temps à aider la population locale en effectuant divers travaux, en utilisant ses compétences de paysan et de boulanger, en pourchassant les bêtes sauvages qui terrorisent les troupeaux de Bouftous ...
Lorsqu'un jour au détour d'un chemin se présente un grand sadida à la chevelure rouge foncé, CoyoteHurlant. Les deux êtres se saluèrent telles de vieilles connaissances. Ils se remémorèrent quelques souvenirs de l'époque sur le chemin du retour. Quand ils se séparèrent, le sadida proposa à l'eniripsa de revenir dans la guilde et lui indiqua où se trouve leur maison.

Le soir même il se présente devant une grande bâtisse ornée d’une armoirie qu’il connait bien. Un sourire s’étirant sans qu’il le veuille sur son visage tout d’un coup marqué par la fatigue. Il pousse la porte. Les félines présentes dévisagent le petit groupe d’un air suffisant, d’autres aventuriers les ignorent, quelques-uns semblent plutôt curieux, même surpris pour certains. L’eniripsa se dirige vers table, s’y assoit et se sert un verre d’eau de la cruche qui s’y trouve. Après l’avoir vidé d’un trait il reprend son souffle, remplit le verre une autre fois et le pose à ses pieds pour le bwak et la dragoune qui apprécient l’attention. Il se redresse et annonce :
« Bonsoir chères amis Conquerors. Beaucoup d’entre vous ne me connaissent pas mais je suis un ancien membre de cette guilde. Je suis l’eni Zukka, et voici Feud’aile et Nounette. Il nous est arrivé une très mauvaise aventure il y a quelques années … »
Son histoire terminée, il marque une pause. Sa dragoune s’était couchée à ses pieds et le bwak sur ses genoux, tous 2 endormis. Tous s’étaient tus pour l’écouter. Les chattes ronronnaient autour d’un sadida aux cheveux marron, un autre violet de peau remuait un fond de bière dans sa chope. L’eniripsa caresse le bwak et ajoute.
« Voilà, vous savez tout. Allez-vous à nouveau nous accueillir parmi vous ? »
De son regard il fait le tour de cette grande salle, et attend leurs réponses.